Journal 17.3.19

du journal d'un auditeur

Lorsque j'entends à la radio une archive d'une émission très ancienne (des années 50) je me retrouve aussitôt, vaguement dans l'ambiance totalement indescriptible des perceptions du tout petit enfant que j'étais dans une cuisine sombre, resserrée, familière et étrange dans laquelle un poste de radio posé en hauteur sur une petite étagère déversait des musiques et des voix qui ont été les portes d'entrée de l'océan, des steppes et du monde feutré des villes qui devaient structurer pour moi le futur plan de mon île au trésor.
La radio est restée fidèlement (ou peut-être redevenue) la même bouche d'ombre et de lumière.
Alors que j'étais hier soir retourné dans mon enfance, c'est un jeune romancier qui est aujourd'hui en visite. Près de 70 ans plus tard, tant de choses se sont passées, mais nous nous comprenons. Il écrit, comme j'écoute. Il parle, comme j'écris. Il écoute – son roman, son interlocuteur aussi, pour lui répondre. Mais le journaliste a bien préparé ses questions. Il voudrait mettre sur la table les problématiques de la société telles que, lui, les entend. Mais le jeune écrivain francophone du Maghreb – ainsi qu'il est présenté – Abdellah Taïa, ne semble pas vouloir tomber dans ce piège. Tout simplement parce qu'il a quelque chose de singulier à dire. A la télévision, certes, on ne le peut pas.
Après l'émission de Marc Weitzmann, je tombe avec bonheur sur celle de Jean de Loisy qui est introduite par ces mots:
"Ils empruntent des chemins qui n'existent pas, ils utilisent des formes et des mots inconnus, ils transforment ce que nous savions du monde, ce sont les artistes."
Je n'ai pas lu le roman d'Abdellah Taïa, je ne sais pas si je l'aimerai. C'est son auteur que j'ai écouté et j'ai entendu la voix d'un artiste – ses propos débordant de toute part de beauté singulière et d'humanité.


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