Ils sont autorisés, pour quelques jours, ils sont bien accueillis. Ils n'entrent pas dans le cadre de la xénophobie. Ils viennent au festival international de juillet, à Romans, et pourront à cette occasion manger du pain des Français. En passant en début de soirée sur une petite place, je rencontre des musiciens vietnamiens. Une compagnie de danseuses arrive
dans un silence de ruisseau. La musique commence à scintiller comme un air doux
qui glisse dans une rizière. Elles inclinent leur tête toutes du même côté,
l'ombre de leur chapeau verse une pluie rouge et or de fins rubans. Leurs corps miroitent,
graciles, poussés par le vent soyeux de la musique. Elles s'inclinent, furtives parmi les franges ondulants à leurs bras, à leurs jambes, se
retournent, redressent leurs corps d'oiseaux, prennent la ligne du
vent. Leurs ventres clairs sortent un peu de leurs torses gaînés de
jeunes lézards. Elles glissent comme un seul arc-en-ciel ondoyant, noir blanc rouge
or et leur sourire d'eau pure et de jasmin nous a soulevés, nous qui les regardons, et emportés
bien loin.
Je n'ai pu m'empêcher tout au long de leur danse de penser
qu'elles s'inclinaient sur le riz, qu'elles faisaient pleuvoir sur lui leur
délicatesse, leurs soins, lorsqu'elles allaient et venaient têtes penchées,
d'un côté, puis de l'autre, inlassablement prodiguant et resplendissant de tous
leurs feux, que c'était en l'honneur de
paddy, le jeune riz.
"Paddy sur pied
ne crains rien ne fuis pas
ne saute pas par monts ne bondis pas par vaux
ne t'enfuis pas vers le village étranger
je saisis ta jambe ô paddy
je caresse ton visage ô paddy
je te troue le lobe de l'oreille ô paddy
ô paddy ne crains rien" *
* (Isabelle Pouchin, Une leçon de musique)
photo Isabelle Pouchin
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